La valeur des pseudo-sciences

Bien que le recrutement soit une opération rationnelle où il s’agit de choisir de manière objective le candidat adéquat pour le poste à pourvoir, il n’en est pas moins que de vieilles pratiques non pertinentes et condamnables subsistent encore de nos jours.

L'influence du contexte économique :

Tandis que la croissance engendre la confiance, a contrario la crise incite à la méfiance. En effet, en temps de crise, il est "tentant de faire peser", de manière plus ou moins fondée, la "responsabilité par exemple sur le Commercial", qui n'a pas le droit à l'erreur. Et s'il y a lieu de le remplacer, la sélection de son successeur sera souvent draconienne.

Ainsi les années 90, caractérisées par des difficultés d'insertion professionnelle, ont été marquées par le développement de méthodes de sélection que l'on peut qualifier de parallèles, telles que la graphologie et l'astrologie. De façon générale, ces méthodes se sont imposées et affinées.

Astrologie

L'astrologie n'a rien de scientifique. Cette technique consiste à relier la personnalité d'un individu avec la position des astres au moment de sa naissance.  Si les astrologues accolent si souvent le terme de scientifique à celui d'astrologie, ce n'est que pour tromper le public : l'adjectif scientifique n'est là que pour dire vrai. Sur le terrain de la science, cette discipline vieille de plusieurs milliers d'années, n'a pas évolué. Déjà en 1666, lors de la création de l'Académie des sciences, l'astrologie ne fut pas admise. L'utilisation de l'astrologie pour le recrutement est donc évidemment illégale car selon la Loi "relative au recrutement et aux libertés individuelles" (Journal officiel du 1.1.1993), "les méthodes et techniques d'aide au recrutement des candidats à un emploi doivent être pertinentes au regard de le finalité poursuivie." L'astrologie ne correspond pas à ce critère.

Graphologie

Selon une enquête réalisée en 1989, 93 % des entreprises s'en servent pour sélectionner leurs candidats à l'embauche, dont 55% de façon systématique. « la graphologie est utilisée par 33% des cabinet et 21% des entreprises pour les premiers tris tout en étant toujours associée à l’examen de la lettre et du CV. Un examen graphologique approfondi est effectué après ce premier tri dans 72% des cas en cabinet de recrutement et 31% des cas en entreprise ».

En 1993, la Commission nationale d'homologation des titres et diplômes du ministère du Travail s'est prononcée pour la suppression de l'homologation accordée depuis 1978 au diplôme du Groupement des graphologues-conseils de France (GGCF). Motif : les 35 membres de ladite commission ont jugé, à une large majorité, que les bases scientifiques de la graphologie ne sont pas établies.

De plus, cette même loi prévoit que "le candidat à un emploi doit être expressément informé, préalablement à leur mise en oeuvre, des méthodes et techniques d'aide au recrutement utilisées à son égard." Ce qui n'est quasiment jamais le cas. Les entreprises françaises apprécient que la lettre de candidature soit manuscrite. Cela peut faire sourire nos amis anglo-saxons et américains, qui ont plutôt l'habitude d'utiliser un traitement de texte pour mieux présenter leur "cover letter". Mais on imagine bien que si les entreprises françaises tiennent à ce détail, ce n'est pas pour le seul plaisir de voir des cursives bien formées. En réalité, près de la moitié d'entre elles (48 %) ont recours à l'analyse graphologique pour "mieux" évaluer un candidat.

On peut en penser ce que l'on veut : cela ne change rien à l'affaire. Tels sont les recruteurs français. La confiance dont ils créditent l'analyse graphologique les distingue très nettement de leurs confrères allemands (seulement 13 % des firmes allemandes ont recours à la graphologie), italiens (6 %) et britanniques (2 %), si l'on en croit une étude de l'Organisation internationale du travail (citée dans Courrier Cadres du 7 avril 1995). C'est à se demander d'ailleurs si, chez les recruteurs français, l'analyse graphologique n'aurait pas un peu tendance à prendre le pas sur la vérification du curriculum vitae. En effet, cette même étude met en évidence que les entreprises françaises sont celles qui consultent le moins les références indiquées par les candidats (56 % le font), alors que nos voisins le font beaucoup plus : 60 % des entreprises en Allemagne, 75 % en Italie et 88 % en Grande-Bretagne.

En revanche, tout le monde se rejoint sur les autres pratiques d'évaluation telles que l'entretien (100 % des entreprises françaises, italiennes et britanniques, 93 % des entreprises allemandes) ou les tests psychologiques (entre 35 et 40 % des entreprises selon le pays).

Cette dernière partie nous éclaire donc sur l’étendue de l’écart qui reste entre les lois et la pratique. Nous avons espéré mettre la lumière sur l’étendu de cet écart qui existe entre les lois telles qu’elles sont décrites dans le code du travail et leur application sur le terrain, en matière de recrutement.

Nous, probables futurs responsables des opérations de recrutement, avons souhaité par le biais de ce travail de recherche, ouvrir une brèche pour lancer un appel, ne serait-ce que symbolique, à l’ensemble des forces qui ont un rapport de près ou de loin avec le recrutement (psychologues, juristes, …) et de favoriser un travail main dans la main afin de redonner à cette activité ses lettres de noblesse.